Partie 3 - La déchéance d'Yzen

Yzen était un être pensant, réfléchi, et son espèce témoignait d’un caractère passif prononcé qui n’avait ni proie ni prédateur, ignorant tout du danger qu’il pouvait représenter pour les autres espèces comme le danger qui pouvait planer sur sa vie. Yzen vivait sur une planète quelconque, proche de trois étoiles flamboyantes qui s’arrachaient entre elles ce rocher sphérique et immobile façonné par les attractions gravitationnelles.

Il y avait là, ni atmosphère, ni air, ni plantes, ni quoique ce soit de vivant que Yzen et les siens ; voués à vivre aussi longtemps que la planète existerait.
Ce jour-là, comme tous les jours qui ne comptaient aucune nuit, Yzen regardait vers le confins du cosmos. Il était parti loin des siens, à l’opposé des feux ardents qui illuminaient la terre. En un instant, le corps allongé et humanoïde de Yzen s’ébranla. Devant lui, à une vitesse dépassant de loin celle de la lumière, quelque chose d’impensable traça sa route. L’onde de choc électro-magnétique qui se dégagea de ce passage soudain, pulvérisa la quasi-totalité de la planète, éradiquant l’intégralité de sa population à l’exception d’un seul. Yzen vit d’abord le souffle destructeur vaporiser le sol et tout ce qui se trouvait derrière lui, puis les 3 étoiles qui illuminaient les cieux jusqu’alors s’éteignirent en un instant comme si elles n’avaient jamais existé. Une fraction de seconde après, une lumière jaillit de ses propres membres, il observa son être se métamorphoser. Yzen n’avait jamais connu la peur de tout son éternel, mais à cet instant, ayant tout perdu, il ressentit bien pire encore que la solitude et l’abandon. Il était effrayé de voir que tout ce qu’il avait connu de lui durant ces millions d’années passées, se transformait sous son regard. Regard qui changea également. Sa vue se modifia, ses organes et ses membres qui étaient déjà solides comme la pierre se transformèrent en une étrange structure métallique. Sa peau se lissa et brilla. On aurait pu dire qu’il s’agissait d’un cyborg entièrement recouvert d’alliage. Mais la mutation ne s’arrêta pas là. Il ressentait en lui quelque chose de différents. Sa vue déjà pouvait percevoir jusqu’à des particules cosmiques invisibles pour la plupart des êtres vivants de l’univers. Ses membres supérieurs s’articulèrent sous la forme de bras en alliages parcourus par des vaisseaux d’énergies dont il pouvait voir le flux aller et venir.
La lumière qui se dégageait de son être, émanait de son buste et ravivait avec splendeur toute sa nouvelle enveloppe.

Il se regarda, seul qu’il était sur le dernier rocher de sa défunte planète, à dérivé dans le cosmos, poussé par l’onde de choc de l’objet non identifié qui était passé plus tôt.
Yzen ne bougeait pas. Il ne savait comment appréhender sa nouvelle apparence, et gérer ce qui s’apparentait à des émotions. Il ressentit. Les premières questions existentielles se mirent à croître en son esprit avec autant de violence qu’une détonation. Il était submergé, comme s’il les avait refoulés des millions d’années durant. Mais ce n’était pas cela. Yzen subissait son évolution. Une évolution qui lui procura un corps dont il ne voulait pas et anéanti son peuple qu’il chérissait sans s’en rendre compte.
Les émotions firent surface, et pour la première fois, il soufra plus qu’une blessure ouverte n’aurait pu le faire. Il découvrit la tristesse, la colère, la peur, la haine, et même le bonheur de se souvenir des autres. Tout lui apparaissait soudainement. Il ressentait.

Il resta figé dans le vide cosmique pendant de longues années, sans bouger, seul sur son morceau de rocher, dernier souvenir d’une planète peuplée des siens. Il appréhendait ce qu’il devenait et se posa plus de questions que d’années d’existences. C’était une révolution totale. Son espèce n’avait jamais connu de tel changement. Il songea, se questionna, et au cours du temps, il s’appropria son corps, appréhenda son environnement, et même, des milliers d’années plus tard, il commença à apprécier sa nouvelle condition.

Tandis que le caillou sur lequel il était voguait dans le confins cosmique depuis fort longtemps, il frissonna. Sa vue lui permit de voir une trace de particule cosmique comme il n’en avait plus vu depuis longtemps. Il reconnu la marque unique de l’objet qui avait terrassé son monde, et de son regard perçant, il pouvait apprécier la ligne directrice qui se dessinait dans le voile sombre.

A ce moment-là, il n’eut guère besoin de se demander comment entrevoir un voyage à la poursuite de cette chose. Son corps réagit aussi vite que ses pensées et son bras lumineux se changea de lui-même en une forme cylindrique, transformant le flux d’énergie linéaire en un flux concentré au bout de son bras.
Yzen n’eut qu’à viser l’espace derrière lui, et un faisceau de lumière jaillit de son nouveau membre, pourfendant l’obscurité des dizaines d’années lumières autour de lui, le propulsant à une vitesse phénoménale dans la direction des traces cosmiques.

Yzen venait de se mettre en route à la poursuite de son passé !